Henri Kischka, l’un des derniers survivants belges de l’Holocauste, est décédé samedi des suites du coronavirus dans un foyer juif pour personnes âgées à Bruxelles. Il avait 94 ans.
Déporté pendant la Seconde Guerre mondiale, il a vécu à l’âge de 16 ans l’horreur des camps nazis de Buchenwald, Sakrau, Blechhammer et Gross-Rosen.
Après la guerre et jusqu’à la fin de sa vie, Kischka n’a cessé de travailler pour le devoir de mémoire en allant raconter son histoire dans les écoles et en accompagnant des jeunes dans la visite du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau.
Il est né à Bruxelles en 1926 de parents qui avaient fui l’antisémitisme en Europe de l’Est pour se refaire une vie en Occident.
Au cours de la première semaine de septembre 1942, Kisckha et les membres de sa famille furent emmenés au milieu de la nuit de leur domicile alors que les soldats nazis bouclaient la rue où ils vivaient près de la gare du Midi à Bruxelle en criant: «Alle Juden raus!» (Tous les Juifs sortent!)
En une semaine, la famille s’est retrouvée dans un convoi de wagons à bestiaux sur un transport ferroviaire en direction de l’est – d’abord en Allemagne puis en Pologne occupée.
Henri et son père, Josek, ont été descendus du train avec les autres hommes dans la petite ville de Kosel. Ils devaient travailler comme esclaves, destinés à être assassinés dans les chambres à gaz lorsqu’ils n’étaient plus économiquement utiles au Troisième Reich.
Les femmes de la famille – la mère d’Henri, Chana, ses sœurs Bertha et Nicha et sa tante Esther – ont été emmenées à Auschwitz où elles ont été gazées dès leur arrivée.
‘’J’étais mort à 90%. J’étais un squelette. J’ai été dans un sanatorium pendant des mois et à l’hôpital’’, a-t-il raconté après la libération des camps.
Pendant des années après la guerre, Henri n’a jamais parlé de cette souffrance comme si sa mémoire était submergée par les ténèbres.
Il s’est marié, a ouvert une boutique avec sa femme et a fondé une famille: quatre enfants, neuf petits-enfants et 14 arrière-petits-enfants. L’homme qui avait trompé la mort tirait sa force de la création d’une nouvelle vie.
Il a commencé à donner des conférences dans les écoles et à accompagner les jeunes à en visite dans l’ancien camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, estimant qu’il valait la peine de se souvenir pour s’assurer que les autres n’oublient pas. En 2005, il écrit une autobiographie: ‘’Une adolescence perdue dans la nuit des camps’’.
Invité à décrire sa survie en enfer, il a déclaré à la télévision publique belge: «Le pire était la nourriture. Quand il y en avait. C’était ce que nous appelions le pain sec. De la soupe, nous la recevions de temps en temps mais je suis très gentil quand j’ai j’appelle cela de la soupe. Nous n’avons presque rien mangé. Ce qui est terrible, c’est que nous étions des ordures. Il n’y a pas d’autres mots. Quand j’ai vu mes amis mourir l’un après l’autre, je me suis demandé à chaque fois, quand allait venir mon tour?’’
Il a déclaré: ‘’La majorité de ceux qui ont subi la moitié de ce que j’ai vécu n’osent pas témoigner, ils sont en larmes, ils sont très touchés. Alors que moi, je pense que de toute ma vie, j’ai le devoir d’en parler aux autres afin de les mettre en garde contre une tyrannie que le monde n’a jamais connue. Camps de concentration… victimes innocentes qui n’ont même pas eu le temps d’entrer dans le camp, qui sont allées directement au crématorium par centaines de milliers, gazés, brûlés et leurs os enterrés’’.
Son fils Michel, un caricaturiste qui vit en Israël et a annoncé la mort de son père, a déclaré: “Un petit coronavirus microscopique a réussi là où toute l’armée nazie avait échoué”.