Le ministre saoudien des Affaires étrangères a déclaré que traiter avec le Liban dominé par le Hezbollah est “inutile”.
S’exprimant dans une interview sur CNBC, le prince Faisal bin Farhan bin Abdullah Al Saud a déclaré : “Il y a une crise au Liban avec la domination des proxies iraniens sur la scène. C’est ce qui nous inquiète et rend inutile de traiter avec le Liban pour le royaume, et pour, je pense, les pays du Golfe.”
Le prince Faisal a expliqué que les remarques de Kordahi soulignent comment “la scène politique au Liban continue d’être dominée par le Hezbollah, un groupe terroriste, un groupe qui, soit dit en passant, arme, fournit et entraîne cette milice Houthi.”
Ses commentaires sont intervenus après que l’Arabie saoudite a décidé de retirer son ambassadeur du Liban vendredi dernier en réaction aux déclarations du ministre libanais de l’information George Kordahi, qui a commenté la situation au Yémen en déclarant que les Houthis “se défendaient … contre une agression extérieure”.
Il a qualifié de “futile” l’opération militaire menée par l’Arabie saoudite pour les soumettre.
Kordahi est proche du mouvement chrétien Marada, un allié du Hezbollah.
L’Arabie saoudite a qualifié ses commentaires d'”insultants”.
D’autres pays du Golfe, dont Bahreïn, le Koweït et les Émirats arabes unis, se sont joints à Riyad dans sa décision de retirer son ambassadeur. L’Arabie saoudite a également suspendu toutes ses importations en provenance du Liban.
Les Saoudiens ont également gelé les actifs de la principale institution financière et “société de bienfaisance” irano-hezbollahienne, Al-Qard al-Hassan, la désignant comme une organisation terroriste. Al-Qard al-Hassan fait l’objet de sanctions américaines depuis 2007.
En outre, des responsables saoudiens ont accusé le Hezbollah d’essayer de modifier l’identité arabe du Liban en s’efforçant d’étendre l’hégémonie iranienne et en adoptant la théocratie chiite iranienne.
Le fait que l’interview de Kordahi ait été donnée avant qu’il ne devienne membre du gouvernement a été ignoré par les Saoudiens, qui ont pris note des récentes accusations des dirigeants du Hezbollah selon lesquelles le royaume entretient des relations avec les Forces libanaises chrétiennes nationalistes et leur commandant en chef, Samir Geagea.
Par ailleurs, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a accusé le Hezbollah et l’Iran d’être derrière les déclarations de Kordahi.
En outre, il a pointé du doigt l’implication du Hezbollah dans la guerre au Yémen en tandem avec les Houthis contre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, sous les instructions de l’Iran. “Le Liban a besoin d’une réforme globale qui rétablisse sa souveraineté, sa force et sa position dans le monde arabe”, a déclaré le prince Fayçal à la châine Al Arabiya.
Selon Jacques Neriah, analyste spécial pour le Moyen-Orient au Jerusalem Center for Public Affairs, la démarche de l’Arabie Saoudite et des autres États du Golfe a ébranlé l’establishment politique libanais et l’a divisé en deux parties :
Ceux qui exigent la démission immédiate du ministre de l’information (le leader druze Walid Joumblatt et l’archevêque maronite Bechara al-Rahi);
Ceux qui accusent le Hezbollah d’essayer d’attirer le Liban dans l’hégémonie politique de l’Iran (l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri) ;
Ceux qui déclarent que le Liban ne se pliera pas à l’Arabie Saoudite à n’importe quel prix (Suleiman Frangieh, chef du parti Marada, et des membres du Hezbollah).
La France et les États-Unis sont intervenus et ont demandé au Premier ministre libanais Najib Mikati de ne pas annoncer la démission de son gouvernement, alors que celui-ci s’est à peine réuni depuis sa mise en place il y a deux mois. Il est paralysé par le Hezbollah, qui a menacé de quitter le gouvernement si l’enquête du juge Tariq Bitar sur l’explosion meurtrière du port de Beyrouth du 4 août 2020 n’est pas annulée.
Jacques Neriah a noté que la décision saoudienne a de sérieuses implications pour la scène libanaise, qui a connu trois développements depuis octobre :
1. La fusillade qui a éclaté dans le quartier de Tayouneh à Beyrouth le 14 octobre 2021, suivie de la demande du Hezbollah d’enquêter sur le rôle de Samir Geagea et de ses Forces libanaises dans ces événements sanglants (une demande qui, dans le plus pur style libanais, n’a pas eu de suite).
2. Le retrait des ministres chiites du gouvernement en signe de protestation, dans le but de faire pression sur le premier ministre et le président pour qu’ils retirent le juge Bitar de son enquête sur l’explosion du port de Beyrouth.
3. Le mouvement diplomatique saoudien, qui est devenu le centre d’attention de l’establishment politique libanais. Les résultats possibles de la démarche saoudienne sont tels qu’elle a éclipsé tous les événements précédents. Au Liban, cette démarche est considérée comme un changement de la donne.