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Cet antisémitisme croissant qui pousse les juifs à fuir

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Par Yossi Lempkowicz, Senior Media Advisor Europe Israel Press Association (EIPA)

Au vu des résultats de la nouvelle enquête réalisée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) auprès de 16,300 Juifs dans  douze pays de l’UE sur leurs ‘’expériences et perceptions de l’antisémitisme’’, il est peu probable que les 38% de personnes sondées qui envisagent de quitter leurs pays respectifs parce qu’ils ne s’y sentent plus en sécurité, changent d’avis…. Et ce pourcentage pourrait même augmenter au cours des années à venir…

Cette enquête, la plus vaste de ce type jamais proposée dans le monde sur ce sujet, a été réalisée en Autriche, Belgique, Danemark, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne, Espagne, Suède et Royaume-Uni, des pays où vivent 96% des Juifs européens. Elle dévoile des résultats effrayants mais pas suprenants….

9 Juifs européens sur 10 estiment que l’antisémitisme a augmenté au cours des cinq dernières années.

85% des Juifs européens considèrent que l’antisémitisme est le plus gros problème social ou politique dans leur pays d’origine.

Antisémitisme omniprésent

D’autres chiffres, parmi d’autres, montrent que l’antisémitisme est omniprésent et a un impact sur la vie quotidienne des juifs européens dans l’ensemble de l’UE :

89% des Juifs pensent que l’antisémitisme est le plus problématique sur Internet et sur les médias sociaux ;

28% des répondants ont été harcelés au moins une fois au cours de la dernière année ;

79% des Juifs qui ont subi un harcèlement antisémite au cours des cinq dernières années ne l’ont pas signalé à la police ou à une autre organisation ;

34% évitent de se rendre à des événements ou des sites juifs parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité ;

38% ont envisagé d’émigrer parce qu’ils ne se sentaient pas en sécurité en tant que Juifs en Europe ;

70% considèrent que les efforts des États membres pour lutter contre l’antisémitisme ne sont pas efficaces.

J’ai assisté à la présentation des résultats de cette enquête et je ne doute pas un instant de la ferme volonté des autorités européennes directement impliquées- le Chancelier autrichien Sebastian Kurz, le Vice-Président de la Commission européenne Frans Timmermns, la Commissaire européenne  à la Justice Vera Jourova et la Coordinatrice de l’UE dans la lutte contre l’antisémitisme, Katharina von Schnurbein, – qui fait un travail remarquable depuis qu’elle a été nommée à ce poste en 2015, – de lutter contre la haine des Juifs.

Il n’en reste pas moins qu 38% des sondés envisagent de quitter leurs pays respectifs, soit plus de 6.000 personnes, ‘’si rien ne change sur le terrain’’.. Si l’on transpose ce pourcentage sur la population juive européenne totale, 1,5 million, il s’agirait de 570,000 personnes qui quitteront le territoire européenne pour s’installer ‘’là où ils sont sûrs que l’Etat les protègent…’’.

Point de non-retour ?

L’Europe ne sera plus l’Europe sans cette population juive, comme l’affirment régulièrement les leaders européens. Sommes-nous arrivés à un point de non-retour ? Est-il trop tard ?

Le constat accablant de la FRA  pousse les diverses organisations juives à réclamer des mesures urgentes, immédiates et efficaces pour lutter contre l’antisémitisme dans la société : notamment un renforcement des activités d’éducation et de sensibilisation au sujet de la Shoah, l’augmentation des moyens financiers pour assurer  la sécurité des communautés et des sites juifs, une surveillance régulière des crimes de haine à l’égard des juifs, agir contre la haine sur internet et les réseaux sociaux….

Je voudrais pour ma part faire un constat : en  dépit des efforts de l’UE et de chaque pays membre, pour formuler une stratégie contre l’antisémitisme, il y a un problème sous-jacent qui n’est pas assez ou pas de tout pris en compte : l’antisionisme comme forme d’antisémitisme. On ne peut en effet séparer l’Etat d’Israël des Juifs européens sous peine de ne pas adresser le cœur du problème.

L’enquête de l’Agence  des droits fondamentaux de l’UE révèle en effet que les attaques et l’hostilité à l’égard de la politique de l’Etat d’Israël – le seul Etat juif dans le monde,- au niveau gouvernemental ou sur les réseau sociaux-,  se traduit rapidement en hostilité à l’égard des Juifs européens.

Lignes rouges

Le slogan antisémite le plus courant  enregistré dans l’enquête de la FRA est qu’’’Israël se comporte comme les Nazis à l’égard des Palestiniens’’…Plus de 85% des personnes sondées en Belgique et en France estiment que le conflit israélo-arabe affecte fortement leur sentiment de sécurité…. Que vous supportiez le gouvernement israélien ou non, que vous soyez laïc ou non, il est indéniable qu’Israël a un impact sur chaque Juif. Ce qui rend la position de l’UE par rapport à Israël d’autant plus problématique…Pour l’Union européenne, c’est tolérance zéro à l’égard de l‘antisémitisme mais critiquer Israël fait partie de la liberté d’expression… Quelles sont les lignes rouges de cette liberté  d’expression ? Cela s’arrête-il à ‘’Juifs= nazis’’, ‘’Sionistes tueurs d’enfants’’ ou ‘’Israël préleveur d’organes des Palestiniens’’ ?  Ce flou permet aux propagandistes de la haine d’Israël  – forme moderne de l’antisémitisme -d’agir en toute impunité… Si les gouvernements européens acceptent, tolèrent et soutiennent même un pays comme l’Iran qui appelle à la destruction de l’Etat juif et organise chaque année un concours de caricatures sur l’Holocauste, cela revient à tolérer l’antisémitisme au plus haut niveau….

Présentant l’enquête, Michael O’Flaherty, Directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, déclarait :  ‘’Nous considérons la haine anti-juive comme une véritable abomination et sommes prêts à tout mettre en oeuvre pour l’éradiquer. Cela doit être l’une des priorités au niveau européen.’’

Une priorité ? Alors  les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE  doivent impérativement ajouter à leur agenda habituel– Brexit, budget, migration ….- comment lutter réellement contre l’antisémitisme pour faire changer d’avis les 39% de Juifs qui se préparent à quitter le continent…

Cet article a été publié dans le quotidien belge L’Echo.

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