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’24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi’, le film d’Alexandre Arcady sort en salle à Paris le 30 avril

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PARIS (EJP)—Janvier 2006. Un jeune juif de 23 ans, Ilan Halimi, est enlevé et séquestré par le ‘’gang des barbares’’ à la tête duquel se trouve Youssouf Fofana après avoir été attiré dans un guet-apens un vendredi soir à Sceaux, dans les Hauts-de-Seine.

Enlevé et ensuite torturé pendant trois semaines pour être finalement massacré et abattu parce qu’il était juif. La bande, pétrie de préjugés antisémites, demandait une rançon exubérante à la famille du jeune homme, pensant qu’elle est ‘’forcément riche car elle est juive’’. Il s’agit de l’un des crimes les plus retentissants de ces dernières années en France.

Pendant 24 jours, cette association de malfaiteurs va mener par le bout du nez 400 policiers et Ilan Halimi sera finalement retrouvé agonisant le long des voies ferrées du RER près de la gare Sainte-Geneviève-des-Bois, dans l’Essonne. Youssouf Fofana, qui a reconnu avoir porté les coups mortels a été condamné à la prison à perpétuité en 2009.

’24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halim’i, le film réalisé par Alexandre Arcady, est basé sur le récit de la mère de la victime, Ruth Halimi, co-écrit avec la romancière Émilie Frèche. Le film sort en salle à Paris le 30 avril.

Avec “24 jours”, en référence aux 24 jours d’agonie d’Ilan, Arcady ne voulait pas moins faire un film politique qu’une œuvre mémorielle. ‘’Parce que, estime-t-il, il est des morts qui doivent toujours rester vivants pour nous inciter à rester vigilant.’’

‘’Les événements se poussent les uns les autres dans l’actualité. Il est important de ne pas oublier ce martyr”, a-t-il expliqué lors de la projection qui a eu lieu dimanche 6 avril en avant-première à l’Élysée, en présence du président François Hollande et de Ruth Halimi qui a soutenu le film mais n’a pas voulu le voir.

‘’On a laissé mourir Ilan comme un chien alors qu’il avait le même âge, la même nationalité et les mêmes rêves que les garçons et les filles qui l’ont enlevé. Aucun d’entre eux, à ce jour, n’a eu le moindre geste de compassion. Aucun n’a même demandé pardon. C’est ce qu’il y a de plus effarant’’, ajoute Arcady. ‘’Ils étaient 29 à savoir. Et tout s’est passé au cœur d’une cité…Soit 500 foyers. Et personne n’a rien vu ni rien entendu. Nous vivons dans un monde où l’on s’enferme, où l’on a peur de regarder de l’autre côté de sa fenêtre. Il suffisait d’un coup de fil à la police pour sauver Ilan. Personne n’a bougé’’.

Ce film c’est aussi un devoir de mémoire que l’actrice Zabou Breitman, qui incarne la mère d’Ilan à l’écran, défend elle aussi. “Le cinéma, c’est une mémoire, a-t-elle ajouté, quand on n’a pas de mémoire, on peut reproduire indéfiniment”.

Reproduire l’impensable, explique-t-elle au début du film. “Qui aurait pu croire qu’une chose pareille pouvait arriver à Paris en 2006”, déclame l’actrice face caméra. “Et pourtant, tout est vrai. Bien trop vrai.”

Selon Emilie Frèche, le président Hollande a été très touché après avoir vu le film. Il a souligné son effet pédagogique. Il explique qu’aujourd’hui les jeunes de dix-huit ans ne savent pas qui était Ilan Halimi. Ce film œuvre donc dans, non pas le devoir, mais le travail de mémoire. Personnellement, je crois beaucoup à la vertu du travail de mémoire plus qu’à son devoir.

Le film, qui a été présenté en avant-première mercredi à Bruxelles en présence d’Alexandre Arady et de l’acteur Pascal Elbé, qui joue le rôle du père d’Ilan, se concentre sur l’angoisse d’une famille, harcelée de coups de téléphone des ravisseurs mais contrainte de garder le silence pour laisser travailler la police criminelle.

“Il fallait retranscrire au cinéma cet événement, sans pathos, et dans dans l’extrême vérité en s’appuyant sur des documents, des déclarations, des rapports de police”, explique le réalisateur.

Le film insiste notamment sur les failles de l’investigation policière. Pourtant bien intentionnés, les officiers et inspecteurs de police n’arrivent pas à voir l’évidence : Ilan Halimi a été kidnappé et torturé parce qu’il est juif. Il s’agit bien d’un crime de haine antisémite même si au Quai des Orfèvres, personne n’arrive à prendre la mesure de l’antisémitisme des ravisseurs.

La police apprend pourtant assez rapidement que le Gang des Barbares– avait tenté de s’en prendre à d’autres juifs. Mais les enquêteurs restent accrochés à leurs convictions, persuadés que la religion n’a rien à voir dans l’enlèvement.

Dans la scène la plus poignante du film, Ruth Halimi, la mère d’Ilan, écoute un employé de boutique de téléphonie mobile, voisine de celle où son fils travaillait, raconter à la police qu’il avait été approché de la même manière par une séduisante cliente, l’appât. Mais il a refusé l’invitation pour célébrer shabbat en famille, un vendredi soir.

Alexandre Arcady explique ainsi l’incapacité des autorités françaises à admettre, sur le moment, la motivation antisémite du gang. Conjoncturelle d’abord : “l’affaire Ilan Halimi se déroule six mois après celle de la ‘fille du RER’. Une jeune fille avait fait croire à une agression antisémite dans un train et toute la classe politique, le président de la République en tête, s’était indignée jusqu’au moment où la police avait découvert l’affabulation, d’où la crainte, pour elle, de tomber dans un même piège”, explique le réalisateur.

Une explication sociale ensuite : l’affaire Halimi s’est déroulée un an après les émeutes dans les banlieues françaises. “Cette mise ‘à feu et à sac’ des cités a été une épreuve terrible pour notre société et comme l’affaire du Gang des barbares pouvait être liée aux quartiers, on ne voulait pas risquer un faux-pas, il ne fallait surtout pas mettre ‘de l’huile sur le feu’ “, déclare le réalisateur.

Mais les barrières psychologiques, structurelles, sociales ou historiques qui peuvent expliquer l’aveuglement des autorités françaises, n’enlèvent rien à l’incompétence dont la police s’est montrée coupable, parfois, dans cette affaire. La caméra se pose notamment dans le cybercafé du 14e arrondissement parisien où les policiers ont laissé s’échapper Youssouf Fofana.

“Je pense que les policiers ont fait plus que le maximum. Ils étaient quatre cent fonctionnaires à déployer toute leur énergie, 24 heures sur 24. Malheureusement, ils ont fait des erreurs”, dit Arcady. Mais le plus révoltant pour le réalisateur ne semble pas être les erreurs de la police mais le silence de ceux qui savaient. Du gardien de l’immeuble de Bagneux qui a autorisé les membres du Gang des Barbares à détenir Ilan dans un appartement, aux voisins qui avaient pourtant bien remarqué des activités suspectes.

 

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