PARIS (EJP)—Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman, a appelé la France à reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et a demandé au Président François Hollande de faire de la lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme une “cause nationale”, dans son discours à l’occasion du dîner annuel du CRIF à Paris.
M.Hollande était l’invité d’honneur du CRIF.
M. Cukierman a également dénoncé les appels au boycott d’Israël en France qu’il accuse de cibler uniquement l’État hébreu alors que selon lui “50 pays dont les frontières sont contestées par leurs voisins en Afrique, au Moyen-Orient, ou sur l’immense continent asiatique” ne font l’objet d’aucun appel au boycott.
Antisémitisme à l’extrême droite, antisionisme à l’extrême gauche: le président du Crif Roger Cukierman a appelé mardi soir François Hollande à mobiliser la France contre ces deux fléaux en en faisant «une cause nationale». ‘’L’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs mais bien le problème de la France’’, at-il dit.
‘’Il faut attaquer très tôt la propagation de la haine», a dit Roger Cukierman, s’agissant de l’antisémitisme à l’extrême droite et de l’antisionisme à l’extrême gauche.
‘’On ne naît pas antisémite, on le devient, par bêtise, par ignorance, ou par préjugé’’, a-t-il ajouté.
‘’Faites-en une cause nationale !’’, a-t-il imploré François Hollande, en appelant à un rassemblement, le 19 mars à Paris, pour commémorer les assassinats perpétrés il y a deux ans à Toulouse par Mohamed Merah contre six personnes, dont trois enfants juifs.
Quelque 800 personnes ont participé au dîner du CRIF au Pavillon d’Armenonville dont plusieurs ministres, sénateurs, députés, ambassadeurs, maires du Grand Paris, responsables religieux et dirigeants d’organisations juives.
“La bête immonde est, hélas, bien présente, aujourd’hui, en France”, a déploré le président du CRIF. “Je pense avec tristesse, avec inquiétude, avec angoisse, aux ignobles slogans lancés par quelques milliers d’individus parmi les manifestants du dimanche 26 janvier à Paris. Ils hurlaient : Juifs dehors, la France n’est pas à toi !”, a-t-il ajouté.
Le rapport annuel sur l’antisémitisme en France, qui a été rendu rendu public par le service de protection de la communauté juive (SPCJF) et le ministère de l’Intérieur à l’occasion du dîner du CRIF, recense 423 actes antisémites en 2013, contre 614 en 2012, soit une baisse de 32 %.
Mais il faut dire qu’en 2012, après l’affaire Merah, la France a connu paradoxalement une flambée d’actes antisémites. Les chiffres de 2013 sont donc moins élevés mais restent supérieurs à ceux de 2011. On dénombre notamment 49 agressions physiques, ce qui correspond à 40 % des violences racistes commises en 2013 en France alors que les Juifs ne représentent que 1 % de la population.
‘’J’aurais aimé évoquer le dicton +Heureux comme un juif en France+, a déclaré M. Cukierman (…) Je dois malheureusement recourir à l’humour juif, souvent grinçant. Qu’est-ce qu’un antisémite ? +C’est quelqu’un qui déteste les Juifs plus que nécessaire+’’.
Pour M. Cukierman, qui a rappelé son passé d’enfant caché et celui de sa famille, ‘’gazée et brûlée par Hitler et ses complices’’, ‘’A Paris, dans le métro, porter une kippa, c’est prendre le risque d’être agressé’’.
Il a évoqué la progression spectaculaire du Front national avec ‘’sa cohorte d’antisémites, de vichystes et de négationnistes réfugiés derrière sa dirigeante, attentive à ne pas commettre d’impair’’.
Mais il a également dénoncé, à l’extrême-gauche, ‘’l’antisionisme, nouvel habit de l’antisémitisme. Car s’il n’y est pas convenable d’être antisémite, il est élégant de fustiger l’Etat d’Israël’’.
Concernant Israël, a-t-il dit, ‘’des positions extrémistes sont parfois attribuées au CRIF. A tort. Nous avons pour objectif que l’Etat d’Israël vive en paix aux côtés d’un Etat de Palestine. Nous souhaitons qu’Israël, où 20 % de la population pratique la langue française, soit enfin admis dans l’Organisation de la Francophonie financée par le contribuable français’’.
M. Cukierman a également ‘’suggéré que la France se démarque du reste du monde et reconnaisse Jérusalem comme la capitale d’Israël’’.
Hollande au dîner du CRIF : « La liberté de moquer n’est pas la liberté de haïr »
Dans son discours, le président français a déclaré : ‘’Le gouvernement de la République française ne tolérera rien’’. ‘’En 2013, nous pensions avoir vécu une accalmie et même un recul dans les actes et manifestations antisémites. C’était hélas une illusion. Si le nombre des faits avait diminué de 30%, le niveau qui permettait cette comparaison était exceptionnellement élevé », a-t-il dit.
‘’Cette flambée de haine ne surgit pas du néant. Elle a bon dos, la crise’’, a dit le président qui, refusant l’explication sociologique, dans une implicite référence à l’affaire M’bala M’bala, a défendu la volonté politique.
‘’Les propagandistes ne se cachent plus, a-t-il estimé. Ils publient des livres, défilent dans la rue, organisent des spectacles et utilisent des moyens modernes pour colporter des rumeurs qui deviennent des tumeurs’’.
Et François Hollande, faisant référence à l’historien de l’antisémitisme Léon Poliakov et son bréviaire de la haine, de s’appliquer à trancher le débat qui avait alors fait rage ‘’Certains sont allés très loin, trop loin. La liberté de création, d’expression, de manifestation, sont des valeurs fondamentales de la République. Mais elles ne peuvent offrir aux racistes et antisémites un permis de propager leur thèse », a expliqué le chef de l’Etat, pour qui « la liberté de moquer n’est pas la liberté de haïr’’.