PARIS/JERUSALEM (EJP)—L’émigration des Juifs de France vers Israël qui avait tendance à se tasser au cours des dernières années, a progressé de manière spectaculaire depuis le début de cette année, enregistrant une hausse de 49%, selon des statistiques publiées par l’Agence juive pour Israël.
2185 Français ont ainsi fait leur aliyah (immigration en Israaël) entre janvier et septembre, contre 1469 l’an dernier durant la même période.
Cette hausse est particulièrement significative car au même moment l’immigration au plan mondial se tasse relativement.
Durant la même période de 2013, 13.905 Juifs venus des cinq continents ont fait leur aliyah, ce qui représente une hausse d’environ 1% par rapport aux neuf premiers mois de 2012. Il faut noter que l’immigration en provenance des États-Unis a baissé de 8%.
Cette ”exception française” intervient après plusieurs années durant lesquelles le nombre de Juifs demandant à bénéficier de la ”loi du retour” en Israël fut plutôt orienté à la baisse.
La crise économique qui perdure en France mais aussi les craintes des Juifs de France quant à leur sécurité face à la hausse de l’antisémitisme ont sans doute contribué au retournement de tendance dans l’Hexagone.
Répondant à l’insécurité manifestée par les Juifs de France, le président français François Hollande avait répété lors de sa récente visite d’État en Israël son engagement pour garantir la sécurité et l’intégrité des Juifs de France. La France “combat de toutes ses forces l’antisémitisme sous toutes ses formes”, avait-il déclaré dans un discours devant la Knesset, le Parlement israélien. “Je réaffirme ici à cette tribune l’engagement de la République française de veiller en toutes circonstances sur la sécurité et l’intégrité des Juifs de France”, avait-il dit.
Lors d’une cérémonie organisée à Paris pour célébrer le départ vers Israël de quelque 800 Juifs de France, en juillet dernier, le fondateur de l’association AMI (‘’Aliyah et meilleure intégration’’), Pierre Besnainou, avait mis en garde: ”L’aliyah des Juifs de France n’est pas une sortie de secours et la peur de l’antisémitisme ne doit pas être une motivation pour les Juifs de France à s’installer en Israël.”
La communauté juive de France, qui est la plus grande d’Europe, regroupe selon les estimations quelque 600.000 personnes. Depuis la création de l’État d’Israël en 1948, plus de 90.000 Juifs ont quitté l’Hexagone pour faire leur aliyah.
Selon les résultats d’une étude d’opinion réalisée par l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA) auprès de la population juive dans huit pays de l’Union européenne , 85% des Juifs français estiment que l’antisémitisme est un problème dans leur pays, contre 66% au niveau européen. Ils sont 88% à en dénoncer la hausse depuis 5 ans, contre 76% sur le reste du continent. Et 46% d’entre eux pensent même à émigrer, parce qu’ils ne se sentent plus en sécurité chez eux, contre 29% ailleurs.
Le choc provoqué par a tuerie dans l’école Ozar Hatorah de Toulouse en mars 2012 a sans doute renforcé le sentiment d’insécurité des Juifs de France.
“Cette étude de la FRA ne fait que confirmer ce que je ressens depuis quelques années, a expliqué Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des insitutions juives de France (CRIF).
‘’Les Juifs se promènent à Londres ou à Berlin sans soucis, mais à Paris, les parents disent à leurs enfants de ne pas mettre de kipa dans le métro ou sur les Champs-Élysées.”
Pour éviter d’être confrontés aux préjugés, 74% d’entre eux disent renoncer parfois à porter des signes distinctifs, tels que la kipa (contre 68% dans le reste de l’Europe). Plus grave, ils sont 10% à affirmer avoir déjà subit des violences physiques ou des menaces de violence (7% ailleurs). Les trois quarts des Juifs français estiment que le conflit israélo-arabe a un impact négatif sur leur vie quotidienne (contre 40% en Europe).
“Les juifs ressentent un mal aise en France et à travers l’Europe”, a déclaré cette semaine Roger Cukierman lors d’un colloque au Parlement européen, soulignant que les résultats de l’enquête faisaient écho à la montée réelle de l’antisémitisme en 2012, avec une augmentation de plus de 58% des actes antisémites. “55% de la violence raciste en France est de la violence contre les juifs”, a rappelé le président du CIF.
Mais il a également expliqué l’inquiétude actuelle des juifs par “les tentatives venant d’en haut pour bannir la circoncision et l’abattage rituel”.