PARIS (EJP)—Selon des sources de la préfecture de police de Paris, une manifestation de soutien à Gaza prévue samedi dans la capitale française a été interdite après les graves incidents survenus dimanche dernier devant deux synagogues parisiennes, rue de la Roquette et rue des Tournelles, à la fin d’une manifestation au cours desquelles des cris ‘’morts aux juifs’’ ont été lancés.
Cette décision a été motivée “au vu des risques graves de trouble à l’ordre public qu’engendrerait” cette manifestation qui devait aller de Barbès à l’Opéra Garnier, selon ces sources.
La préfecture de police a suivi les consignes du ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, qui avait évoqué des “débordements intolérables”, et avait demandé aux préfets de “redoubler de vigilance” et d’interdire si besoin des manifestations.
Le Centre Simon Wiesenthal à Paris a salué cette mesure. ‘’ Une telle foule marchant un Shabbat et réclamant du sang juif se serait sans nul doute rendue dirigée vers les synagogues remplies de fidèles’’, ont déclaré Richard Odier, et Shimon Samuels, respectivement président en France et directeur des relations internationales du centre.
Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) avait demandé lundi l’interdiction des manifestations en faveur du Hamas après l’attaque violente des synagogues.
Les synagogues ont été prises d’assaut par des groupes nombreux et haineux proférant des slogans antisémites. Des dizaines de personnes ont essayé de rentrer dans la synagogue de rue de la Roquette alors que des centaines de fidèles y priaient pour la paix en Israël, lançant des chaises, des pierres et des cocktails molotov.
Après la manifestation de dimanche, huit personnes ont été interpellées.
Un homme a déjà été condamné, mardi soir, à quatre mois de prison ferme, pour “rébellion” lors d’un contrôle de police qui avait dégénéré. Quatre autres personnes seront jugées ultérieurement, en correctionnelle, pour “violences sur les forces de l’ordre” ou “rébellion”.
Lors d’une interview lundi, à l’occasion de la fête du 14 juillet, le Président François Hollande avait mis en garde contre l’importation du conflit israélo-palestinien en France.
“Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer” en France, a-t-il plaidé. “Il ne peut pas y avoir de dérives et de débordements, d’intrusion ou de volonté d’intrusion dans des lieux de culte, que ce soient des synagogues comme cela s’est passé hier (dimanche), mais je dirai la même chose pour des mosquées, des églises, des temples”, a-t-il ajouté.
Le président du CRIF, Roger Cukierman, qui avait été reçu mardi par le chef de l’Etat, lui avait part des fortes inquiétudes des Juifs de France. La communauté juive est angoissée par la progression de la haine antisémite, lui a-t-il dit, soulignant que l’importation inquiétante du conflit israélo-palestinien en France s’accompagne de dérives, notamment lorsque l’attaque contre la synagogue rue de la Roquette pourrait être justifiée par la situation internationale. ‘’On peut avoir des divergences d’opinion. Elles ne doivent en aucun cas se traduire par des violences’’, a dit Roger Cukierman.
Il a expliqué que les événements de dimanche constituent ‘’une rupture du contrat républicain’’. ‘’Les agressions contre des synagogues par des individus armés de battes de baseball, aux cris de mort aux juifs témoignent d’une haine anti juive et d’un passage à l’acte qui ne peut être accepté dans une démocratie. L’antisionisme est devenu le nouvel habit de l’antisémitisme’’.
Le CRIF a demandé à plusieurs reprises de faire de la lutte contre l’antisémitisme et le racisme une cause nationale et a rappelé les récentes campagnes qu’il a initiées pour favoriser le vivre-ensemble, notamment entre les communautés religieuses.
Le CRIF a par ailleurs contesté la description faite par ‘’certains médias’’ des attaques perpétrées contre les synagogues de la rue des Tournelles et de la Roquette, mais aussi contre celle qui a eu lieu à Belleville samedi dernier et qui a nécessité que les fidèles présents soient évacués à la hâte afin d’éviter d’être agressés.
Ces attaques sont présentées comme des ‘’heurts intercommunautaires’’ alors que dans les faits,dit l CRIF, ‘’ il s’agit d’actions antisémites, haineuses, violentes et unilatérales, émanant de mouvements pro-palestiniens et islamistes’’.
‘’Les jeunes juifs présents devant la synagogue de la rue de la Roquette n’ont fait que protéger les personnes participant à une réunion à l’intérieur alors même que des dizaines de manifestants tentaient d’y pénétrer avec des barres de fer, des manches de pioche et des sacs à dos remplis de projectiles très dangereux’’.
‘’Les forces de l’ordre prévenues le matin même n’étaient pas suffisantes pour repousser les assaillants bien trop nombreux et il s’en est fallu de très peu pour qu’il n’y ait pas davantage de blessés’’, explique le CRIF.
‘’De plus ces heurts sont présentés par certains médias comme le prolongement du conflit entre Israël et le Hamas, légitimant ainsi l’idée d’une importation normale de celui-ci en France. Cet effet de miroir privilégié par certains médias est inexact et très dangereux puisqu’il justifie finalement d’inévitables dommages collatéraux dans notre pays’’, dit le CRIF.
‘’Les attaques contre des lieux juifs se succèdent chaque semaine depuis très longtemps afin de terroriser les Juifs de France et les agresser parfois physiquement’’, ajoute-t-il.
‘’Des groupuscules organisés sont à l’œuvre pour créer ce climat de violence malsain. Ils doivent être démantelés le plus rapidement et leurs manifestations qui sont autant d’appels à la haine doivent être interdites par les autorités sauf à laisser la situation s’envenimer et ne plus être contrôlable’’.
Le Premier ministre Manuel Valls a estimé à l’Assemblée nationale que la meilleure réponse aux débordements devant des synagogues était ‘’le rassemblement’’ après ces incidents.
‘’Je souhaiterais que dans ces moments-là et face à des débordements tout à fait intolérables, il y ait de la part de la représentation nationale et de la part de tous les responsables politiques — comme cela a été souvent le cas — une capacité d’union et de rassemblement’’, a-t-il a répondu au député UMP de Nice, Christian Estrosi, qui l’interrogeait sur des ‘’violences communautaires’’.
‘’ J’ai interpellé le Premier ministre au sujet du silence du gouvernement sur les actes antisémites commis à Paris ce week-end et les manifestations pro-palestiniennes. Depuis la libération, c’est la 1ère fois dans l’histoire de France qu’une synagogue est investie et que l’on s’attaque à un magasin au motif qu’il vend des produits juifs. Ceci est inadmissible ! Des heurts opposants des manifestants pro-palestiniens aux forces de l’ordre ont éclaté dans les grandes villes de France. Une fois encore, la France doit donc malheureusement faire face à des violences communautaires. Mais face aux débordements, nous ne pouvons-nous contenter d’affirmer comme une évidence que la France est pour la paix’’, a déclaré M.Estrosi.
Selon lui, ces événements ‘’démontrent que la République est en danger et que certains veulent mettre en péril l’unité de la nation en instrumentalisant ce conflit pour l’importer sur le territoire national’’. ‘Monsieur le Premier Ministre, saisirez-vous la justice contre ceux qui scandaient « Israël assassin » ou « Nous sommes tous des Mohammed Merah ?’’, a lancé le député.